Retranscrire l'invisible

Publié le par Franck Gache

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Dessiner est retranscrire l'invisible, se perdre dans un espace temporel qui m'est propre. Ce qui ne se voit pas devant mes yeux avant la création, est mon esprit qui se pose, pour chercher dans le néant, et ce qui est invisible, pour reproduire ce qu'est la magie de la création, pour voir sur la feuille blanche ce qui doit arriver bientôt, ce qui va être vu, et spontané, comme si ce qui va être reproduit relevait de choses vues jadis, mais qui vont arriver sur l'instant, le temps d'une vision.

Ce qui va défiler sur le papier me parlera, mais parlera surtout aux autres. Ce qui va être dessiné pourrait être dit, et ressemble tout aussi bien à un texte qui se lirait à haute voix, tout comme ce qui est dessiné me fait entendre. C'est mon témoignage. Et aussi, c'est un temps fixé qui est ici, et il m'est proche.

Il est donc vain de rechercher dans ce qui est enfoui au plus profond, car tout finit par émerger, et il ne me reste qu'a puiser ce qui remonte à la surface, et à bien observer.

Ce qui va être montré était enterré à un endroit de mon subconscient que personne ne découvrira jamais. L'oubli avait fait en sorte de cacher ce qui allait être montré en un coin de ma mémoire qui restait à être découvert.

Quand tout est plus clair pour ma création, vient ensuite l'envie, qui va déboucher pour moi vers une zone lumineuse , ou la lumière cotoie les ténèbres, et ou entre les deux, il y a toujours un écart à franchir, pour reproduire, et trouver l'inspiration.

Ce qui vient de la création est une vision apaisée de l'image du monde, ou du monde lui-même. Ce qui est fait renvoie toujours au passé, il reste une trace, une connection, de ce qui fut, pour déboucher sur ce qui arrive.

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Dans la création, celui qui regarde ressemble à celui qui regarderait des corps vivants s'animer, et ce spectacle vivant est le théâtre, ou le créateur devient son propre acteur, différent de celui d'une page blanche, mais ressemblant tout autant à la vie, à la vraie vie.

L'art peut se montrer en de multiples manières différentes, et dans la quête de la découverte de ce qui renvoie à l'art, celui qui regarde peut comprendre le contraire de ce que le créateur souhaite exprimer de la joie, du bonheur, de la peine, et de la douleur.

Celui qui est en face peut être mon confident, et pourquoi pas, mon ami. Celui qui est en face est l'interlocuteur. C'est une forme de confrontation qui peut être douloureuse, ou dans un esprit de partage, avec quelquefois une passion. Le créateur recherche un sage, non pour juger, mais estimer à la juste valeur, face à ce que l'artiste redoute, à savoir le grand vide, ou la solitude. Ce qui ressemble à un grand vide doit être comblé. La recherche du sage est une quête nécessaire, ou il est possible d'y voir un double, ou les deux êtres communiquent, parlent, montrent, et partagent. L'un des deux, dans cette confrontation d'idées, cherche à changer, et à évoluer. Ce qui est échangé est alors une forme de richesse, une richesse intérieure, ou l'esprit est plus ouvert sur le monde. Mais ce sage n'est qu'une image, car l'artiste, dans sa création, à vocation à rester seul. Le sage est un être caché, et invisible. Le dessin, ou ce qui reléve de la création en général est statique, figé, comme prisonnier d'un support, et renvoie à sa propre solitude, et est une évocation, une trace, pour lutter contre l'oubli, en représentant une simple image, qui fut recherchée en un espace souvent plus profond qu'il ne pourrait le laisser penser. L'image est aussi une allégorie de ce qui fut, un instant de la vie, représenté en un espace trés limité, souvent sur un petit format. La vie se raconte, et c'est elle qui découle du récit de l'artiste, et à travers une image, c'est non seulement le souvenir qui est solicité, mais notre condition, notre histoire, notre quotidien, pour exprimer aussi ce que nous aimons, ou ce que nous détestons. Le dessin, comme toute autre forme de création, est quelque part une action qui conserve une part de nous révolue, ou passée, mais l'art dans toutes ses formes peut nous parler de l'avenir, en nous montrant à quoi il pourrait ressembler, tout comme les traces de ce qui fut passé sont représentées de la façon la plus ressemblante. Dans le passé, la ressemblance de ce qui est représenté est souvent vague, tout comme l'évocation du futur est approximatif. Entre les deux, un trou noir est présent, et souvent, il ressemble au vide.

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Ce qui est à rechercher, est de se conjuguer, se perdre dans le rêve, pour oublier le temps présent, se perdre dans un espace-temps non défini.

Le rêve dirige alors vers le vide, l'inconnu : c'est cotoyer la mort, ou la vie, ou rien tout simplement, si c'est ainsi qu'est vu le trou noir.

Créer est une forme d'imprudence, et une forme de certitude doit être ancrée. Créer est se perdre, pour mieux se retrouver.

L'âme devient plus forte, et il est possible de lire ce qui n'est pas souhaitable, tout comme lire ce que l'envie donne, et c'est ainsi le grand plongeon de la vie.

Ce qui se dévoile est ce qui doit être montré, la page blanche débouche sur une forme de vie animée, avec ses codes, et parfois ses secrets. Dans le fond, c'est une image, pour indiquer à quoi doit ressembler la vie, vue par une projection de l'âme, pour dire si la vie est est haïe, ou si au contraire elle est aimée.

Il est nécessaire de rechercher une porte de sortie à la vie, en recherchant ce qui est artificiel. C'est rechercher souvent l'infini dans ce qui est défini, et de là naît ce qui est la passion, et l'esthétique. Quand dans la vie, souvent rien ne change, quand certains font toujours la même chose, on recherche une émotion, même si le quotidien est toujours le même. Ici se trouve ce qui va nous contenter, ce qui va diriger notre regard autrement, ou ce qui va nous diriger vers la haine et l'abnégation, à cause de l'ennui, qui souvent, peut avoir pour origine l'incompréhension. Il faut non seulement chercher à trouver un entracte, comme trouver des mots justes, mais ce qui n'est pas aimé, ou ce qui n'est pas compris, prend le même chemin de ce qui est invisible. Dans l'invisible, on retrouve les deux extrêmes propres à la vie. Celui qui n'aime pas ne regarde pas, nie ce qui est devant lui, et celui qui aime apprécie, souvent sans regarder plus profondément, car ce qui est devant ses yeux à du sens, et ce sens n'est pas vu pour rejoindre lui aussi l'invisible.

Ce qui est propre à la création reléve d'un écran de brouillard : celui qui regarde avance, et rejete ou non ce qui est présenté à ses yeux. La création, pour certains ce qui est propre à l'inutile, est pour beaucoup une porte pour la liberté et l'esprit, pour ne pas désespérer, mais pour dire que nous sommes là, vivants. Il faut aussi espérer par soi-même, et avoir l'espoir de faire de belles découvertes en allant vers le néant, vers l'invisible. Avec deux fois rien , ou pas grand chose, la richesse peut se déterminer, se définire, et se covstruire, non pour aller vers un monde nouveau, mais pour avoir bien les pieds sur terre. Parfois, le bonheur peut se trouver dans ce qu'il y a de plus futile, ce qui débouche sur l'incompréhension de certains, tandis que la solitude peut se trouver dans l'abondance. Il faut de tout pour faire un monde.

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Se qui se cache derrière l'invisible est l'inspiration, cette force aveugle. Mais aussi, entre les mains créatrices et le support, il y a un espace vide, invisible, ou tout se passe, pour montrer ce qui doit être vu. Le vide et l'inconnu donnent des conseils, car c'est en eux que germe ce qui va résulter de la création. C'est aussi une façon de se corriger, pour celui qui voit, et qui donne à voir. Il faudrait rechercher les débuts de l'historique , ou l'origine remonte à une période ou dans la discussion avec autrui, celui qui dirigeait allait trouver une part de la source de son inspiration, pour créer plus tard. Souvent, parler, c'est raconter ou construire des histoires. Se parler à soi-même est aussi une force , et cette force se retrouve au quotidien : ainsi, il y a toujours ceux qui ont tort, et ceux qui ont raison.

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Dans cette force, l'envie est de toujours aller plus loin, et l'envie est trés importante aussi, car il y a une force invisible en elle. L'envie est encore et toujours d'aller plus loin, de là à se perdre. Mais, tout ce qui arrive vient souvent dans un cadre temporel désordonné, ou tout est désordre. Ce qui va s'étaler sur une page blanche , le plus souvent, ne suit pas une logique, et l'ordre n'est pas rationnel. Mais faire un tri n'est souvent pas nécessaire, et ce qui arrive peut-être comme le hasard l'impose, lui aussi étant arbitraire, et invisible, et c'est la logique des choses qui défie ce qui relève du temporel, c'est à dire de l'espace-temps inscrit dans la durée du cycle de la vie.

Le désordre, c'est le chaos, un ordre qui perturbe ce qui est ordonné, et prévu. Le désordre peut être un tout, pour amener vers un ensemble, ce qui comble toute chose, pour ainsi être présenté à celui qui regarde et qui porte un jugement.

Ici, la logique n'a alors plus sa place, et ce qui est une chose en devenir prend alors un aspect singulier, qui lui est propre, pour dépasserun ensemble qui ne devrait pas être vu, pour rejoindre un ordre invisible, attendu. Ce qui sort de cet ensemble est alors différent, pour avoir un aspect singulier propre. il y a par exemple différentes formes d'art, et donc, il est impossible d'aimer toutes ses formes. Le puriste va alors se diriger non seulement vers celle dont le mode d'expression est le plus à contre-courant , mais aller le plus souvent vers celle qui est la plus lisible, mais qui laisse à deviner , ou qui renferme un message à déchiffrer, vers l'oeuvre d'avant-garde.

L'invisible est une recherche, une quête de l'inconnu, une envie de reproduire une vision désirée, qui souvent vient de loin. Cette vision n'est jamais aboutie, et à travers l'invisible, ce qui est vu comme un rêve, n'est qu'un reflet de ce qui reste à reproduire. La reproduction parfaite de ce qui fut vu n'existe pas. Et ce qui va être reproduit n'est pas l'image parfaite vue. C'est connu, le créateur, souvent, cherche à reproduire ce qu'il à vu en rêve, ou ce qui est passé devant ses yeux, mais le résultat parfait n'existe pas, du moins, est trés difficile à reproduire, car le souvenir s'estompe avec le temps.

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Pour chercher à définir cet invisible, source de toute interprétation et création, et qui forme une distance entre le corps et l'esprit, entre les mains et le support, la forme va se déterminer par la raison, c'est à dire, dans l'acte de créer, avec un semblant de laisser -aller, qu'il est nécessaire d'entreprendre, pour faire des choix.

Généralement, la direction à prendre dirige initialement vers l'abstrait, et le plus construit et figuré (figuration), ou trait graphique. Entre l'enfant et l'adolescent, l'invisible devient visible, autrement dit, le rêve débouche vers la réalité de la vie, et du devenir, et ou une certaine différence saute aux yeux. Autrement dit, c'est l'enfant qui semble avoir plus d'imagination, pour ainsi perdre une partie de ses rêves. Souvenons-nous de l'enfant que nous étions, ou le monde qui se présentait devant nous était encore à découvrir, pour ensuite décrypter une autre vie, ou rien n'est trés simple. En observant les formes de créations chez diverses catégories de personnes, surtout chez celles qui ne pratiquent pas souvent les arts, une différence est observable, surtout chez les enfants, destinés à évoluer, pour devenir adolescents, puis enfin adultes.

Ainsi, l'enfant trés jeune va se diriger plus facilement vers une forme de peinture abstraite. Il n'est pas encore à apprendre, qui est une forme de norme, ou ordre social. Son monde va ressembler à celui de ses petits camarades, là ou il ne va pas y avoir de barriére sociale. C'est un petit monde, parfaitement égalitaire, sans grandes différences, et le monde des enfants est imprégné de couleurs. pour certains, le choix de la peinture abstraite résulterait de la facilité, mais par nature, l'enfant aime les couleurs, et parfois, le non-sens. Ainsi, la couleur rejoint l'imaginaire.

Pour l'adolescent, tout va commencer à devenir différent, et il va chercher à marquer une certaine différence qu'il n'arrivera pas tout à fait à revendiquer. Il va y avoir des échecs, aussi. Ce qui est en construction semble avancer trés rapidement, et souvent, l'adolescent semble avoir raté un train. Un retard est à combler, on regarde ce que font les autres, on écoute ce que racontent ces derniers, les choix sont difficiles à faire, et l'adolscent semble souvent se demander ou il va. De plus, il écoute souvent de bons ou mauvais conseils, il a du mal à choisir, mais aussi, il écoute ses parents, et les autres. Il regarde l'oeil du voisin, le regard de ceux qui ont son âge. Dans ses créations, ce qui est invisible laisse peu de place, et souvent, le rendu va laisser place à quelque-chose de trés construit. Peut-être, le support va montrer une forme de lassitude, un effort, à l'image de se représenter un monde à situer entre l'enfance, et le monde adulte, avec une sorte d'inachevé, pour peut-être dire que tout n'est pas compris, et que d'autres choses lui échappent. être soi-même est souvent un exercice difficile, le mal-être souvent s'installe, sans prévenir. Si la peur de prendre la mauvaise décision est présente, cet adolescent doit montrer qui il est. Si la forme dirige, elle donne une idée de l'évolution de la raison.

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Donc, l'invisible est à rechercher dans la pensée évolutive, entre l'enfance et l'adolescence. Le nombre d'années est trés réduit, et pourtant, la perception des choses, et leur interprétation change aussi. Ce qui est à voir n'a alors plus une source singuliére, mais reçoit de fortes influences de personnes qui gravitent autour du jeune en évolution : d'ou l'idée d'invisible, le changement est rapide, et difficile à interpréter. Ce qui résulte du manuel chez l'enfant rejoint une quête de sens, et si un sujet est donné, la réponse va évoluer dans le temps. Pour l'enfant, si la notion de sens est présente, il va avant tout créer dans un cadre trés personnel, alors que l'adolescent va plutôt craindre un jugement des autres de ce qu'il va présenter. Si le cadre personnel n'est pas tout à fait absent chez lui, le sens va le guider, pour aller vers le regard de l'autre, ou des autres, pour faire en sorte que autrui soit un nouvel aspect dans la manière qu'il va construire ce qui est autour de lui, pour façonner son environement.

Entre les mains et le support, ce qui est pensé va toujours être reproduit d'une manière différente. En arrivant sur le support, ce qui va être reproduit est comme une face cachée, une image à l'envers de ce qui devrait être. Il y a toujours des contradictions, et rien n'est jamais certain, et le hasard, qui lui aussi est invisible, prend toute son importance.

Le hasard contribue à construire ce qui est singulier, et établit une certaine différence entre ce qui doit être, les autres, et ce qui est attendu.

Le dessin est ce qui résulte du hasard, et de l'invisible, et il n'est jamais vraiment à notre image, car celui qui dessine n'arrivera jamais à vraiment reproduire ce qu'il veut. Dans le fond, il y a un résultat, et l'artiste va s'accommoder de celui-ci. Ce qui va être reproduit sur le support est le fruit de ce qui résulte de la création, un monde nouveau, quelque part, se porte à notre regard, dont le résultat vient de la main, et du regard, combinés. Le hasard est le maître du jeu, et si on demandait à l'artiste de reproduire le même travail, le résultat serait différent.

Le Dessin n'est que l'instantané de ce qui peut être conservé du temps : l'artiste recherche à laisser une trace d'un temps qui passe , et interpréter, à sa façon, ce qui reste à voir. Il y a un dualisme entre ce qui est représenté, et ce qui est réel, comme si le dessin ne pouvait n'être qu'un point noir, issu du néant, en son extrême le plus bas, pour arriver à un résultat plus que élaboré dans son autre extrême. L'image renvoyée est alors une interprétation singulière de la vie, ou du moins, de comment elle devrait être interprétée.

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